Pascal Jouxtel : Pour moi il y a quatre grands principes fondateurs du monde sensible. Le premier : le principe de rupture, l’émergence du nouveau est possible. Le deuxième : il est possible de séparer ce qui est de ce qui n’est pas. Le troisième : toutes les choses sont reliées, chaque chose perturbe et modifie son environnement. La quatrième : une forme a tendance à se reproduire ; la reproduction de quelque chose qui existe déjà est beaucoup plus probable qu’un nouvel arrangement. On peut le résumer avec l’idée que la réplication est la tendance naturelle de toute forme organisée. Beaucoup de gens voient cela aussi sous l’angle de l’imitation qui est une tendance naturelle de l’homme. Mais il faut aller beaucoup plus loin sur cette question. Depuis que l’on a découvert la théorie des neurones miroirs, toute la théorie de l’imitation est bouleversée (cette théorie dit que quand tu vois faire quelque chose, tu as des neurones qui s’activent exactement comme si tu faisais cette chose).
La mémétique n’est-elle pas à son tour une idée virus ?
Pascal Jouxtel : En effet, le mème des mèmes est auto-référent. Le concept de mème est une catégorie qui se contient elle-même, comme le concept de concept, l’idée d’une idée, etc. Il se trouve que l’autoréférence est aussi liée à l’autoréplication, et aussi à la singularité de la conscience, qui réalise le lien montant entre penser et penser que l’on pense. On rencontre une structure analogue dans les virus informatiques. Tu peux avoir un bout de code considéré comme un vulgaire chaîne de caractère, mais en fait c’est un programme qui peut se réinscrire. On la retrouve aussi dans l’ADN. En gros l’ADN est une chaîne d’instruction qui se reproduit elle-même, l’ADN est à la fois son propre contenu et son propre mode d’emploi. C’est comme si tu mangeais la recette elle-même. Il y a une très jolie formule de Dennett, qui dit en quelque sorte que si l’on étudie comment le mème des mèmes s’est propagé, on peut comprendre ce qu’est la mémétique. C’est là qu’est le paradoxe amusant : si les méméticiens ont raison, et qu’une théorie fausse peut se propager aussi bien qu’une vraie, alors ils nous ont peut-être convaincu de quelque chose qui est faux. Mais si c’est faux alors une telle théorie ne devrait pas nous convaincre !
Propos recueillis par Frank Beau.
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